Les algues, c’est bon pour la santé ?

Bon le goût c’est une chose, mais y a t’il vraiment un intérêt à manger des algues et est ce vraiment bon pour la santé ? Quels sont les atouts nutritionnels des algues ?

  • Anne-Gaëlle : Allez hop, en voiture Jacqueline, je t’emmène au CEVA ! 
  • Jacqueline : Au c’est quoi ?

Hélène Marfaing

Hélène Marfaing, France

Le CEVA c’est le Centre d’Etudes et de Valorisation des Algues. Il situé à Pleubian dans les Côtes d’Armor, encore un nid d’Algonautes ! J’ai pu rencontrer Hélène Marfaing et de lui poser toutes mes questions sur les algues alimentaires. Hélène Marfaing est ingénieure. Son travail consiste à développer des produits alimentaires variés avec des algues, généralement en réponse à des demandes d’industriels. Dans le passé, elle a par exemple travaillé sur le développement de beurre, de biscuits, de boissons ou de confitures aux algues.

La rencontre entre Hélène & les algues

  • Hélène Marfaing : Tu sais Jacqueline, je vais t’avouer quelque chose. Avant de rejoindre le CEVA, je travaillais sur la thématique du lait et je ne connaissais pas du tout les algues en tant que produit alimentaire ! Je connaissais bien sûr les algues sur les plages. J’avais également entendu parler des algues vertes mais je ne connaissais pas trop, car de Paris ça paraissait loin. Quand j’ai su que j’allais travailler au CEVA sur les algues, je me suis dit : “Oh la la ! Il faut absolument que je mange des algues avant de commencer“. Je me suis alors rendue dans un magasin de produits bio où j’ai acheté un sachet d’algues sur lequel il était inscrit “A réhydrater. Se consomme en salade“. J’ai donc pris mon sachet d’algues, j’ai mis de l’eau et j’ai obtenu… une bouillie infâme ! Je me suis dit “C’est pas possible ! je ne peux pas travailler sur ça !“.

    seaweed-salad

  • Jacqueline : Ah je sens que nous allons nous entendre !

  • Hélène Marfaing : Maintenant je sais comment faire ! On fait des jolis produits et je sais aussi comment utiliser la paillette d’algue : il ne faut pas forcément la réhydrater mais il faut la mélanger avec du beurre, etc. Donc ma vision a beaucoup évolué au CEVA. J’ai également appris à connaître ce produit à travers la rencontre d’autres cultures qui consomment les algues quotidiennement : le Japon, la Chine, la Corée. J’ai pu découvrir différents modes de consommation et je me suis aperçue que c’était un produit qui pouvait être bon, savoureux, nutritif et présent dans les habitudes alimentaires de façon importante et récurrente.”

Les atouts nutritionnels des algues

  • Jacqueline : Hélène, tout au long du voyage, les personnes qui mangeaient des algues m’ont dit que c’était bon pour la santé. Quant aux personnes qui n’en mangeaient pas, elles ne m’ont rien dit… Qui dit vrai ?

  • Hélène Marfaing : C’est vrai qu’on entend souvent que les algues sont des aliments qui sont bons pour la santé. Alors qu’en est il ? Il faut faire la distinction entre les macroalgues et les microalgues. Les macroalgues, on pourrait les considérer comme des légumes de mer, mais qui seraient encore plus riches en nutriments !

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Potager marin à l’île de Sein

- Le contenu en minéraux

Elles ont souvent un contenu en eau moins important que les légumes terrestres et ont par conséquent un peu plus de matière sèche dans laquelle vont se trouver des éléments minéraux. En fait, tous les éléments minéraux présents dans la mer vont être présents dans les algues : il y a donc des teneurs très importantes en magnésium, en calcium, en potassium, en fer et surtout - et c’est l’originalité des algues - en iode.

- La richesse en iode

Les algues sont une source exceptionnelle d’iode. Cette caractéristique est un atout nutritionnel extrêmement important, car au niveau mondial il y a des problèmes de carence en iode dans certaines populations. En France, nous sommes un peu préservés parce qu’il y a des politiques de iodation du sel, mais dans certaines régions éloignées des côtes, les populations ont un risque de déficience en iode et dans ces cas-là les algues ont vraiment un rôle à jouer. Pour certaines algues brunes il y a d’ailleurs des précautions à prendre et il faut les blanchir ou les lessiver à l’eau douce avant de les consommer afin éliminer une partie de cette iode. Les japonais par exemple ont des pratiques culinaires qui font que la teneur en iode est tout à fait propre a la consommation.

- Les fibres

La teneur en minéraux est un gros point fort des algues, mais ce n’est pas le seul : il y a aussi les fibres. Comme pour les légumes, les algues contiennent beaucoup de fibres : du point de vue nutritionnel on parle de fibres alimentaires et du point de vue biochimique, on parle de polysaccharides. Tu en as peut-être entendu parler au cours de ton voyage ?

  • Jacqueline : Ah oui ! Les polysaccharides, je connais maintenant !

  • Hélène Marfaing : Du point de vue alimentaire, ce sont donc des fibres et les fibres on sait que c’est bon pour la santé : ça agit sur le transit, la régulation de la glycémie, ça aide à prévenir les maladies cardio-vasculaires, etc. Les fibres c’est très important dans l’alimentation. Tu as certainement déjà entendu le message “Mangez 5 fruits et légumes par jour” ? Eh bien maintenant il faut manger 5 fruits et légumes par jour et des algues !

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Atelier Cuisine & Algues avec Dany Caderon et Simone Grass à l’île de Sein

Les algues sont elles des “aliments-miracles” ?

  • Jacqueline : Alors les algues pourraient même empêcher les maladies ?!

  • Hélène Marfaing : Attention ! Je ne veux pas faire de l’algue un aliment miracle. Mais les algues contiennent aussi des composés qu’on appelle métabolites secondaires : ce sont généralement des antioxydants. Parmi ceux-ci, on trouve des polyphénols, des caroténoïdes, des vitamines. Tout cela va avoir un impact sur la santé en contribuant à maintenir un équilibre et une bonne hygiène de vie dans l’organisme. Dans le cadre d’une alimentation équilibrée et variée, les algues sont importantes et ont un rôle à jouer. Mais tout le monde n’est pas égal face à ce type de régime alimentaire intégrant des algues : au cours de l’évolution, les populations asiatiques auraient acquis dans leur flore intestinale des enzymes de bactéries associées aux algues. Cette adaptation leur permet de mieux digérer les composés des algues et de tirer ainsi un meilleur profit de la richesse nutritionnelle de ces végétaux marins.

Malaysian superfood

“Seaweed superfood” en Malaisie

Les algues comestibles

  • Jacqueline : Est-ce que toutes les algues de nos côtes sont comestibles ?

  • Hélène Marfaing : En France, 24 espèces d’algues dont 3 microalgues sont actuellement autorisées à la consommation alimentaire.

  • Jacqueline : Ah oui qu’en est il des microalgues ?

  • Hélène : Si on s’intéresse aux microalgues, c’est un monde complètement différent. Les trois espèces de microalgues autorisées actuellement sont la spiruline (Arthrospira platensis), la chlorelle (Chlorella vulgaris) et l’odontelle (Odontella sp.). La spiruline et la chlorelle sont souvent citées pour leur richesse en protéines et en microéléments.

  • Jacqueline : Ah oui, la spiruline! Nous l’avons rencontrée à plusieurs reprises pendant le tour du monde et je lui ai consacré un chapitre.

  • Hélène Marfaing : L’odontelle est une diatomée. Elle est plus intéressante pour sa teneur en lipides, elle est notamment très riche en omega 3. Pour l’instant les microalgues sont davantage consommées sous forme de compléments, tandis que les macroalgues ont vraiment un intérêt dans la cuisine de tous les jours que ce soit comme une épice ou comme un légume de mer à intégrer dans des soupes, des salades et autre.

Les innovations alimentaires

  • Jacqueline : Comment naissent les produits alimentaires qui sortent du CEVA ?

  • Hélène Marfaing : Il peut y avoir des demandes spécifiques sur une espèce d’algue, une couleur, une demande nutritionnelle, etc. Parfois on nous confie toute la partie de recherche et développement : on va imaginer l’algue la plus intéressante pour le projet, la forme de l’algue qu’on va intégrer dans le produit, fraîche, sèche ou extrait. On essaie de prévoir aussi la filière d’approvisionnement: les algues sont elles récoltées localement ? Le gisement est il suffisant ? L’espèce est elle présente toute l’année ? Et puis ensuite on fait des maquettes au stade pilote du laboratoire, avant de faire le transfert dans l’industrie pour mener le projet jusqu’au bout.

Les algues dans l’alimentation de demain

  • Jacqueline : Crois tu que la consommation d’algues va augmenter ?

  • Hélène Marfaing : Depuis que je suis au CEVA et que je me suis intéressée aux algues, j’ai pris conscience que ces légumes de la mer font partie des aliments à fort potentiel dans un futur qui comptera 9,5 milliards d’humains sur la planète à l’horizon 2050.

    algoplanet

Certaines macroalgues rouges comme le nori et la dulse sont riches en protéines. Celles-ci seront très intéressantes dans l’alimentation de demain car les sources de protéines de haute qualité seront en demande. La part des protéines animales pourraient diminuer car l’élevage intensif pour la production de bœuf et de lait contribue de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre (c’est à dire de méthane). De plus, la consommation accrue de viande nécessite plus de terres arables pour la production de céréales pour l’alimentation du bétail et c’est donc un facteur de déforestation. Avec les insectes, les lentilles d’eau et les succédanées de viande - voire la viande in vitro -, les algues sont considérées comme une nouvelle source de protéines qui devrait entrer sur le marché de l’alimentation comme substitut aux protéines d’origine animale.

cultivateur d'algues

Culture d’algues à Nusa Lembungan, Indonésie

La culture des algues de mer ne nécessite pas d’eau douce, ni de terres cultivables car elles poussent dans l’eau de mer et n’ont pas besoin d’engrais ou de produits phytosanitaires. Cette matière première est riche en éléments nutritifs et contient des polysaccharides dont on pourra également tirer partie grâce à certaines enzymes. En découvrant la cuisine du Japon, j’ai pris conscience que cette alimentation - qui est déjà beaucoup plus végétarienne - fait partie d’un mode de vie équilibré. Bien sûr le goût des algues doit être adapté aux aux palais occidentaux et c’est ce que nous nous attachons à faire : actuellement nous essayons de banaliser l’algue en l’incorporant dans des produits de grande consommation qui soient faciles et prêts à l’emploi.”

Merci Hélène ! Tout cela m’a donné de l’inspiration : les détracteurs disent toujours que les quantités de beurre et de sucre entrant dans la préparation du kouign amann de Douarnenez ne seraient pas bons pour la santé… Avec mon kouign amann aux algues (“le kouign bezhin de Jacqueline”), je vais contrer les méfaits du gras avec les bienfaits des algues !

Adapté à partir de l’interview d’Hélène Marfaing.

Des algues pour prévenir les maladies ?

Jane Teas

Nous avons rencontré Jane Teas lors du congrès de l’International Society for Applied Phycology à Halifax, Canada en juin 2011.

Le parcours de Jane est fascinant : étudiante en voyage autour du monde, elle se perd lors d’une randonnée au Népal, atterrit dans un temple occupé par des singes. Ce sera là le point de départ de sa nouvelle vie et de ses recherches sur le comportement des primates de Katmandou.

A l’issue de sa thèse, l’Ecole de Santé Publique d’Harvard recherche un chercheur sans expérience dans la santé publique pour aborder des thématiques de recherche avec un regard neuf.

Au cours de ces nouveaux travaux de recherche, Jane Teas travaille sur le cancer du sein : elle épluche de façon intensive la bibliographie scientifique de 1924 à nos jours et étudie les disparités géographiques dans l’incidence de ce cancer à l’échelle de la planète. Une référence sur l’utilisation des algues par les Egyptiens il y a 3000 ans pique sa curiosité. Ceci associé à son observation de la faible occurrence des cancers du sein au Japon, pays où les algues sont consommées quotidiennement, la pousse à s’intéresser davantage aux macroalgues.

Ses travaux, menés à l’Université d’Harvard puis à l’Université de Caroline du Sud, s’appuient sur des expériementations et des études cliniques. Outre les hypothèses1 sur le rôle protecteur de la consommation d’algues contre le cancer du sein, ses travaux se sont diversifiés et concernent d’autres maladies telles que la transmission du VIH ou le mélanome. Il y a encore beaucoup de potentiel à explorer dans le domaine des algues.

1 Nous parlons d’hypothèses car de nombreux facteurs sont à prendre en compte dans les études épidémiologiques (génétiques, sociaux ou culturels par exemple). De plus amples recherches sont nécessaires. Le facteur limitant l’avancée de ces recherches est souvent le manque de financements.


Lectures : Savez-vous goûter les algues ?

Et pour en apprendre davantage sur les aspects nutritifs et la cuisine aux algues, retrouvez nous dans l’ouvrage collectif “Savez-vous goûter… les algues ?”. Vous nous retrouverez dans les coins, cachées dans des anecdotes sur les algues et des quiz !
Marfaing H., et al. 2016. Savez-vous goûter… les algues ? Presses de l’EHESP, 128p.